Fils d'un capitaine au long cours, mort au cours d'une tempête dans la Manche en 1880, Henri Le Sidaner passe son enfance à Dunkerque. Boursier de cette ville, il part étudier la peinture à Paris, où il découvre l'impressionnisme et la peinture d'Édouard Manet qui le trouble. En 1882, il est reçu à l'École des beaux-arts de Paris, puis en 1884 y est admis dans l'atelier d'Alexandre Cabanel qui le soutiendra toujours.
Il part s'installer à Étaples en 1884 à l'hôtel Ioos. Il dit: « j'ai le souvenir le plus émouvant du jour et de l'heure où je subis l'impression inoubliable de mon arrivée à Étaples, de ce bain dans l'air et la lumière, de la sensation de vie saine et vierge qui m'attendait[2] ». Il y rencontre d'autres peintres venus travailler comme lui dans la région, comme Eugène Chigot, son ami d'enfance, avec lui, il organise en 1892 le salon des peintres d'Étaples dédié à cette colonie des peintres français et étrangers qui fréquentent cette région[3]. Il y restera jusqu'en 1893, travaille dans la solitude le plus souvent et ses œuvres de l'époque se rapprochent du réalisme sentimental d'un Jean-Charles Cazin[4].
En 1892, il visite l'Italie et la Hollande — où il se lie avec le peintre Frits Thaulow — et fait des portraits de jeunes Hollandaises. Au Salon, il présente L'Autel des orphelines (musée des Beaux-Arts d'Arras) dernière importante composition religieuse pour cet artiste non-croyant, mais troublé par le sentiment de recueillement. Il se lie d'amitié avec Émile Claus. Il quitte Étaples et s'installe à Paris au 5, rue Émile-Allez, où il a pour voisin le musicien Gabriel Fauré, interprète des poètes symbolistes. Il se lie à plusieurs personnalités proches du symbolisme, comme Émile Verhaeren et Georges Rodenbach, ou les critiques Camille Mauclair et Roger Marx. Il rejoint la Société nationale des beaux-arts, présente le Départ de Tobie et une première série de deux motifs à des heures différentes : Paysage de neige et Soir de neige.
En 1895, il expose chez Georges Petit — qui le représentera —, concentre son inspiration sur les effets crépusculaires et continue de détruire la plus grande partie de sa production. Sa première exposition personnelle à la galerie Mancini en 1897 connaît un succès critique et il expose Les Âmes blanches et Lumières cendrée au Salon. En 1898, il expose à La Libre Esthétique à Bruxelles, et Le Dimanche, sommet de sa période symboliste, est présenté au Salon. Un séjour décisif à Bruges de 1898 à 1900 avec sa compagne Camille Navarre, et dont Jules Rais écrira qu'il y « tendit un miroir aux buées de la mort[6] », consacre son inspiration symboliste[7]. En , il rejoint la Société nouvelle de peintres et de sculpteurs, avec une première exposition collective à la galerie Georges Petit à Paris en mars 1900[8].
C'est sur les conseils du céramiste Auguste Delaherche que l'artiste découvrit Gerberoy, petite ville délaissée de l'Oise où il acheta une maison qu'il restaura peu à peu. Ses différents déplacements en France et à l'étranger lui avaient procuré maintes sensations intimistes. Seul Gerberoy fut propice à une création fertile en devenant presque le thème principal de son œuvre (plus d'une centaine de toiles produites). Dès 1901, il propose au Salon des vues de la cité, puis il se focalise progressivement sur la partie architecturale phare de la maison, à savoir la façade, ses fenêtres, ses volets. Dans la recherche de l'instant intime, de « l'arrêt sur image », les toiles de Gerberoy émanent d'une douceur de vivre incomparable en même temps qu'elles déclinent selon l'heure et la saison des accords chromatiques variés. L'artiste passe le printemps et l'été de l'année 1903 à Gerberoy, où il commence à peindre des motifs d'intérieur à la fenêtre ouverte et des tables de jardin, des crépuscules. À l'aide d'un soigneux arrangement de nature morte, le peintre décline harmonieusement la sensation du « temps qui s'arrête[12] ».
Son jardin est orné de son buste réalisé par le sculpteur Pierre Roche.
Œuvre
Aux alentours de l'année 1900, il se consacre désormais à une peinture intimiste dont se trouve exclue la figure humaine : jardins déserts, tables servies pour d'hypothétiques hôtes, campagnes solitaires, expriment une vision silencieuse et paisible avec une technique post-impressionniste[13] et un chromatisme retenu aux nuances chaudes, à la tonalité raffinée et douce qui nimbent ses scènes moins de mystère que d'une espèce de religiosité. Son inspiration au contact de nombreux voyages s'élargira et perdra son mystère au profit d'un art plus décoratif, dont le succès ne se démentira pas. Décrivant les personnages que le peintre à disposées dans un calme paysage (Le Dimanche, 1898, musée de la Chartreuse de Douai) : « elles sont un chœur blanc de rêves indécis, de figures neigeuses, aux yeux naïfs[14]… », déclare Gabriel Mourey.
Le Sidaner bénéficiera en 1931 d'une importante rétrospective à Bruxelles, inaugurée par la reine Astrid[9].
2013-2014 : exposition au Singer Museum de Laren (Hollande-Septentrionale).
2014 : expositions aux musées de Cambrai (« Henri Le Sidaner et la douceur de vivre »), du Touquet (« Henri Le Sidaner et ses amitiés artistiques »), de Dunkerque (« Henri Le Sidaner, œuvres de jeunesse ») et à la Maison du Port d'Etaples (« Henri Le Sidaner 1862-1939. Voyages d’étude »).
↑Musée du Touquet-Paris-Plage et Marie-Françoise Bouttemy, Lumière d’Opale : Les peintres étrangers de la colonie d’Étaples (1880-1920), Le Touquet-Paris-Plage, Aprim & Henry 62170 Montreuil, , 75 p. (ISBN978-2-9580069-0-7), p. 20
↑Jules Rais, « Henri Le Sidaner », Art et décoration, t. 13, , p. 122 cité dans L’Impressionnisme : du plein air au territoire : [actes du colloque de Rouen, Musée des Beaux-Arts, et Le Havre, Musée Malraux, 8-10 septembre 2010], Paris, Presses Universitaires de Rouen et du Havre, , 260 p., ill. en noir et en coul. ; 28 cm (ISBN978-2-87775-555-9, OCLC997454129, lire en ligne), p. 155.
↑À la demande de Claude Monet, il offre une œuvre en faveur des héritiers d'Alfred Sisley qui vient de mourir.
↑« Choses du jour : Un nouveau salon », par Étienne Charles, in: La Liberté, Paris, 6 juillet 1899, p. 1 — sur Gallica.
↑ a et bJean-David Jumeau-Lafond et Musée d’Ixelles (catalogue de l'exposition au musée d'Ixelles en 1999), Les Peintres de l’âme : le symbolisme idéaliste en France, Gand, Snoeck-Ducaju & Zoon, , 192 p., 1 vol., ill. ; 30 cm (ISBN978-90-5325-206-2, OCLC822744828, lire en ligne), p. 88.
↑Fenêtre sur…, catalogue de l'exposition au musée de Roanne en 2002.
↑Yann Farinaux-Le Sidaner (préf. Rémy Le Sidaner), Le Sidaner : l’œuvre peint et gravé, Monaco, A. Sauret, , 391 p. (OCLC881741529, lire en ligne), p. 12.
↑Musée du Touquet-Paris-Plage et Marie-Françoise Bouttemy, Lumière d’Opale : Les peintres étrangers de la colonie d’Étaples (1880-1920), Le Touquet-Paris-Plage, Aprim & Henry 62170 Montreuil, , 75 p. (ISBN978-2-9580069-0-7), p. 68
↑Jean-François Mancel, Henri Le Sidaner en son jardin de Gerberoy : 1901-1939 : [exposition, Beauvais, Musée départemental de l’Oise, 16 mai-7 octobre 2001, Douai, Musée de la Chartreuse, 20 octobre 2001-20 janvier 2002], Beauvais ; Saint-Rémy-en-l’Eau, Musée départemental de l’Oise ; Musée de la Chartreuse, , 198 p., ill. en noir et en coul., couv. ill. en coul. ; 28 cm (ISBN978-2-903824-32-7, OCLC491324363, lire en ligne), p. 11.