Les États de Languedoc (latin: Comitia Occitaniæ) sont une assemblée provinciale d'Ancien Régime propre à la province de Languedoc, ce qui en faisait un pays d'états. La spécificité de cette institution repose sur la méthode de vote des délibérations ; le vote par tête (alors que le vote par ordre primait au sein des autres institutions).
Époque médiévale
Au début de la guerre de Cent Ans, la nécessité pousse le roi de France Philippe VI à demander des subsides à ses sujets pour soutenir les dépenses militaires. En 1346[1], alors qu'il convoque prélats, barons, communes et bonnes villes de son royaume, il réunit par souci d'économie les représentants des sept sénéchaussées du Midi à Toulouse. Il fait de même à Montpellier en 1351. Dès lors, les assemblées de langue d'oc siègeront à dates régulières. Elles sont chargées d'établir le montant de l'impôt versé au roi, sa répartition et sa levée.
Charles V reprend cependant à son compte l'administration financière mise en place par les États, qu'il n'est alors plus nécessaire de convoquer annuellement.
La crise survenue à la tête de la France, avec la folie de Charles VI, les remet pourtant dans une situation avantageuse : la reine Isabeau de Bavière leur accorde en 1418 à Troyes le droit de se réunir chaque fois qu'ils le jugeront bon. Une fois la paix revenue, Charles VII limite à nouveau leurs privilèges.
Louis XI rend l'impôt permanent et enlève ainsi aux États la principale de leurs prérogatives ; ils en conservent cependant l'apparence, puisqu'ils doivent toujours y donner leur consentement. Le , par lettres patentes[2], il nomme l'évêque d'AlbiLouis Ier d'Amboise en tant que président des États de Languedoc qui sont désormais dirigés par les évêques.
Les États de Languedoc résistent à la politique de suppression menée par Richelieu. Ils arrivent, moyennant finances à faire reporter l'édit de création d'élections de 1629 qui aurait amené de facto à la disparition des États comme dans la Guyenne voisine.
Les États ont comme tâche principale la levée de l'impôt royal direct dans la province de Languedoc. Ils votent solennellement l'argent à verser au roi ; une partie, l'ancienne taille, est votée de manière mécanique, une autre, le don gratuit, est le résultat de négociations entre les représentants du roi et ceux de la province jusqu'aux années 1670. Après cette date, les États votent régulièrement un don gratuit de trois millions de livres tournois. Ils répartissent l'impôt entre vingt-deux, puis vingt-trois[3] diocèses civils. Trois de ces diocèses, le Gévaudan, le Velay et le Vivarais, disposent d'états particuliers qui sont les agents de la levée de l'impôt. Dans les autres diocèses, on réunit une assemblée, dite l'assiette, présidée par l'évêque, comprenant un baron, des représentants des villes, des commissaires du roi et des États. Cette assemblée répartit ensuite l'impôt entre les différentes communautés en utilisant le compoix, sorte de matrice cadastrale[4].
Les États avaient également jusqu'en 1572 la gestion des impôts indirects. Après cette date il ne leur reste que l'équivalent, impôt indirect levé sur la viande, le poisson et le vin.
En 1622, la cour des aides de Montpellier, obligée de fuir devant l'émeute qui sévissait dans cette ville, se réfugia à Pézenas pour y tenir son assemblée. La première séance eut lieu le dans la salle de l'hôtel de ville après une messe solennelle du Saint-Esprit célébré par les pères observatins. En 1630, les trésoriers de France établirent leur cours à Pézenas dans la maison de Lauriol. Depuis déjà un siècle, par ordonnance de François Ier, les séances de l'assiette du diocèse d'Agde se tenaient à Pézenas, dans la grande salle de la maison consulaire[5].
Le siège de réunion des États est à l'origine tournant entre les principales villes de la région, mais il se fixe à Montpellier en 1737.
Le roi seul décide de la convocation des États, mais ceux-ci désignent des officiers, qui siègent entre les sessions pour assurer la continuité de l'administration fiscale.
Les États de Languedoc ont joué un rôle dans la dynamisation économique de la province (canal du Midi, port de Sète, mais aussi routes et ponts), ainsi que dans l'aménagement de Montpellier, notamment l'esplanade du Peyrou.
Composition
Le président-né des États de Languedoc était l'archevêque de Narbonne, mais les personnages les plus importants étaient l'intendant de Montpellier, représentant du roi, le trésorier de la bourse et les trois syndics généraux (Toulouse, Carcassonne et Beaucaire-Nîmes), représentants des intérêts de la province. Des députés auprès du roi, les députés en cour, lui présentent des doléances annuelles auxquelles il se doit de répondre.
Le clergé était représenté par les trois archevêques et vingt évêques[6] de la province. C'est l'ordre qui dominait de fait les débats[7]. Le rang des clercs était réglé par leur sacre. Ceux qui ne pouvaient assister aux États avaient le droit d'y envoyer leur vicaire général.
Les sièges nobles aux États étaient tenus par les vingt-trois[8] barons des états de la province. Il y avait : le comte d'Alais, qui avait la première place ; le duc de Polignac, qui avait la seconde place ; les barons de tour du Gévaudan et du Vivarais, qui siégeaient aux États à tour de rôle, une fois tous les huit ans pour le Gévaudan et tous les douze ans pour le Vivarais ; puis venaient le marquis de Mirepoix, le baron de Barjac (à partir de 1682), le marquis de Villeneuve, le comte d'Avéjan (à partir de 1733), le comte de Rieux, le marquis de Castries, le baron de Tornac (à partir de 1694), le baron de Bram (à partir de 1720), le marquis de Murviel (à partir de 1683), le marquis de Ganges, le baron d'Aureville (à partir de 1748), le baron de Castelnau-d'Estrétefonds, le baron de Saint-Félix, le baron de Lanta, le baron de Florensac, le baron d'Ambres, le baron de Rouairoux (à partir de 1680), le marquis de Calvisson, et le baron de Castelnau de Bonnefons (à partir de 1772).
Les députés du Tiers étaient désignés surtout par les villes : les chefs-lieux des diocèses envoyaient deux députés, et les autres communautés « députantes » du diocèse un député à tour de rôle. L'édit de 1659 défendait aux États de s'assembler plus de quarante jours, sous peine de nullité. À la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, les secrétaires des États de Languedoc appartenaient à la famille de Fieubet.
Dans le lieu des séances, les barons laïcs occupaient tout le côté situé à la gauche du siège central du président, le siège immédiatement à la droite du président était normalement occupé par le comte d'Alais. Les clercs avaient la préséance sur leurs homologues laïcs, aussi occupaient-ils tout le côté droit de l'assemblée (par rapport au président) qui leur était exclusivement réservé[9]. Les députés du Tiers étaient quant à eux situés en position centrale, en bas par rapport aux tribunes des barons clercs et laïcs.
La table suivante donne la liste des députés aux États par diocèse civil.
Octroi de sommes pour la rançon du roi Jean II le Bon.
Levée pendant trois mois de deux deniers par livre sur toutes les denrées et marchandises pour la défense de la province.
1359 (mars)
Montpellier
Jean de Poitiers
Accordent la gabelle sur le sel (quatre gros tournois sur chaque quintal) jusqu'à Noël.
Ordonnent la fabrication de nouvelles monnaies pour le Languedoc.
Le prêt de 100 000 florins accordé par les états sera repris sur les impositions décidées à Montpellier.
La gabelle sur le sel est prolongée de deux ans.
Moyennant le prêt de 100 000 florins, toutes les impositions cesseront, excepté la gabelle.
Impositions pour régler la rançon du roi Jean II le Bon. La sénéchaussée de Carcassonne promet le paiement de 70 000 francs par an pendant six ans. Celle de Beaucaire avait déjà conclu un accord particulier avec le roi. Celle de Toulouse resta soumise à la règle commune.
On décida aussi de continuer la gabelle sur le sel un certain temps et de la donner à ferme.
Opposition des États quant à la réception de Jean de Bertrand à l'office de 6e président du Parlement de Toulouse, nouvellement érigé, suppression de la charge de viguier de Toulouse et des autres charges de viguier dans la province et union à celle de premier Consul comme à Montpellier, demande au roi d'une imposition de cinq ans sur le tirage du sel pour la réparation du Pont S. Esprit, etc. source[13]
(...)
Les États sous la présidence des archevêques de Narbonne
Les états aliènent en faveur d'Alexis Sabatier, au prix de 600 000 livres, deux deniers trois quarts par livre de toutes les impositions.
Les états décident de faire écrire l'histoire générale de la province de Languedoc (Histoire générale de Languedoc).
1708 (22 novembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
Nouveau règlement pour les réparations des chemins, ponts & chaussées de la Province.
1709 (21 novembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
1710 (27 novembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
1711 (26 novembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
Les états assistent au service funèbre en l'honneur du dauphin, dans l'église Notre-Dame des Tables de Montpellier.
Les états accordent une subvention de 300 livres à Brueys, pour son Histoire des fanatiques[14].
1712 (24 novembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
1713 (9 novembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
1714 (25 octobre - )
Nîmes (Grand salle des audiences du Palais)
Duc de Roquelaure
1715 (12 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
Les états assistent au service funèbre en l'honneur de Louis XIV, dans l'église Notre-Dame de Montpellier.
Règlement concernant la députation des communes.
1716 (10 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
1717 (9 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
1718 (15 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
Les états avancent les frais d'armement de deux pinques pour le transport de munitions en Roussillon.
Les états confirment l'exclusion de tous officiers royaux de leurs assemblées.
1722 (8 janvier - )
Narbonne (Hôtel-de-ville)
Duc de Roquelaure
Les états obtiennent une remise d'un million de livres sur le don gratuit, à cause du cordon sanitaire mis en place pour limiter la propagation de l'épidémie de peste.
Remise de 47 000 livres sur les impositions de 1732 aux diocèses civils de Narbonne, Albi et Lavaur.
1733 (17 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Marquis de La Fare
Remise de 150 000 livres sur la capitation de Languedoc.
Règlement des états sur l'établissement des subventions.
1734 (16 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Marquis de La Fare
1735 (15 décembre - )
Narbonne (Hôtel-de-ville)
Marquis de La Fare
1736 (13 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Marquis de La Fare
Les états transigent avec les propriétaires du monopole sur la glace.
Délibération des états sur la répartition et l'entretien des chemins en Languedoc.
Règlement des états pour la production des preuves généalogiques exigées des envoyés de la noblesse.
La capitation de Languedoc est réduite à 1 520 000 livres pour l'année 1738.
Règlement des états pour la vérification des espèces dans les caisses de la province.
Approbation des conventions entre les députés des diocèses civils de Lavaur et Saint-Papoul, et les propriétaires du canal royal du Languedoc.
Règlement des états pour l'exécution des conventions passées entre la province et les propriétaires du canal royal du Languedoc, concernant l'entretien des divers ouvrages.
1740 (15 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Richelieu
1741 (14 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Richelieu
Règlement des états pour la ferme et l'exploitation du droit d'équivalent.
Les états accordent 4 000 livres au diocèse civil de Montauban pour les travaux du Tescou.
Bail de l'équivalent de Languedoc à Jean Perette.
1742 (20 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Richelieu
Traité de l'emprunt de 3 000 000 livres fait par la province pour le compte du roi.
1743 (19 décembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Richelieu
Traité entre les commissaires du roi et ceux des états pour l'emprunt de 3 000 000 livres.
Vote d'un emprunt pour la levée et l'entretien d'un régiment de dragons.
1744 (19 novembre - )
Montpellier (Hôtel-de-ville)
Duc de Richelieu
Bénédiction des drapeaux du régiment de Septimanie, en présence des états, dans l'église Notre-Dame-des-Tables de Montpellier.
Règlement des états pour l'entretien des chemins dans les sénéchaussées de Toulouse et de Carcassonne.
1746 (24 novembre - )
Montpellier
Le Nain, intendant de Languedoc
Traité entre les commissaires du roi et ceux des états pour l'emprunt de 6 000 000 livres.
1747 (23 novembre - )
Montpellier
Le Nain intendant de Languedoc
Règlement pour l'exploitation de la ferme de l'équivalent.
1748 (21 novembre - )
Montpellier
Duc de Richelieu
Vote d'une somme de 500 000 livres en huit ans pour la construction du chemin d'Auvergne.
1750 (29 janvier - )
Montpellier
Duc de Richelieu
L'archevêque Crillon, malade, se retire le 31 janvier (il meurt le ). La présidence est alors assurée par l'archevêque de Toulouse, Mgr Charles Antoine de La Roche-Aymon.
Le duc de Richelieu sépare les états le par ordre du roi. L'assemblée est suspendue sine die par arrêt du conseil d'État le 27 février.
Les évêques sont relégués dans leurs diocèses et les barons dans leurs terres avec défense de s'assembler.
Cette crise a pour origine l'opposition des états à l'établissement par le roi Louis XV du vingtième, impôt non discriminatoire qui touchait aussi les privilégiés.
La cour des comptes de Montpellier adresse des remontrances au roi le 13 avril.
Le , Mgr de La Roche-Aymon obtient d'être reçu par le roi pour demander l'autorisation de réunir à nouveau les états.
Les états de Languedoc sont rétablis par arrêt du conseil d'État du .
1752 (26 octobre - )
Montpellier
Duc de Richelieu
(...)
(...)
Bibliographie
Martine Biard Postes et messageries en Languedoc de Louis XIV à la Révolution de 1789, préface de Louis Secondy, Paris, Éditions Edilivre, 2011. (ISBN978-2-8121-3641-2).
Philippe Wolff (s.d.), Histoire du Languedoc, Toulouse, Privat, coll. « Histoire des Provinces », , 540 p. (ISBN2-7089-1705-6).
Henri Gilles, Les États de Languedoc au XVe siècle, Toulouse, Édouard Privat, coll. « Bibliothèque méridionale / 2 » (noXL), , 361 p. (présentation en ligne), [présentation en ligne].
Pierre-Jean Souriac, « Les États de Languedoc face à la guerre dans la première moitié du XVIe siècle », Cahiers de la Méditerranée, vol. 71 « Crises, conflits et guerres en Méditerranée (Tome 2) », , p. 63-80 (lire en ligne).
Arlette Jouanna, Stéphane Durand et Elie Pelaquier, Des États dans l'État. Les États de Languedoc de la Fronde à la Révolution, Droz, coll. « Travaux du Grand Siècle / 42 », , 984 p.
↑Bernard Barbiche, Les Institutions de la monarchie française à l'époque moderne, Paris, PUF, 2001 (1999).
↑Depuis l'érection en 1694 de Tornac en baronnie avec droit d'entrée aux États.
↑Ch. de Tourtoulon, Une séance des États de Languedoc, Académie des Sciences et Lettre de Montpellier, 1870 ; p. 317, partie III, Rolle de ceux qui ont assisté aux États généraux de la Province de Languedoc assemblés par mandement du Roy en la ville de Montpellier aux mois d'octobre novembre et décembre 1761 : liste de tous les membres de l'assemblée, de chacun des trois ordres : clergé, noblesse et tiers-état, ayant participé aux états de 1761. [1].
↑L'Histoire générale de Languedoc parle de « Waldemar III », mais il ne peut s'agir que de Valdemar IV (peut s'expliquer si certaines listes ne reconnaissent pas le duc Valdemar V de Schleswig comme Valdemar III de Danemark).
↑Bibliothèque nationale, Pièces originales, vol. 48, dossier d'Amboise, folio 114 (d'après Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, tome V, p. 147 note n° 1, Société de l'histoire de France et Librairie Renouard, Paris 1895).
↑C'est le titre donné par l’Histoire générale de Languedoc : il s'agit plus vraisemblablement de l’Histoire du fanatisme de nostre temps et le dessein que l'on avoit de soulever en France les mécontens des Calvinistes.