Société à responsabilité limitée en FranceEn France, une société à responsabilité limitée (SARL) est une société commerciale où la responsabilité est limitée jusqu'à concurrence des apports, et qui présente des caractéristiques d'une société de personnes (2 à 100 personnes), notamment parce que les parts détenues dans le capital ne sont pas librement accessibles sans accord de tout ou partie des associés. La terminologie de « société à responsabilité limitée » apparaît déjà dans une loi du [1], mais elle désigne en fait une forme de société anonyme sans rapport avec la SARL actuelle. La SARL actuelle, dont le caractère juridique est quelque peu ambivalent, car on ne peut pas la qualifier ni de société de personnes ni de société de capitaux, a été développée en Allemagne (GmbH) par une loi datant de 1892. Depuis l'année 1925, la SARL est également une forme juridique légalement reconnue en France. Histoire et conséquences du concept de « responsabilité limitée »La notion de « responsabilité limitée » et sa mise en œuvre dans le droit au XIXe siècle (cf. les lois des 23 mai 1863 et 24 juillet 1867 en France et les lois sur les Joint-Stock Company limited de 1856 à 1862 en Angleterre) est, selon Harari (2011)[2], « l'une des inventions les plus ingénieuses de l’humanité » :
— Harari, Harari, Y. N. (2022). Sapiens : Une brève histoire de l'humanité. Albin Michel Harari en explique ensuite les avantages de ce type de structure :
— Harari, Harari, Y. N. (2022). Sapiens : Une brève histoire de l'humanité. Albin Michel Cette explication permet de comprendre que le terme responsabilité limitée est en fait un euphémisme : il s'agit non pas d'une limitation des risques, mais d'un véritable transfert de responsabilité et des risques de l'actionnaire à l'entreprise, à son collectif de travail, responsabilité pénale et économique. Ainsi, quel que soit le montant investi par l'actionnaire, il garde le pouvoir et reste propriétaire de l'ensemble des moyens de production (locaux, machines, moyens informatiques, etc.), y compris ceux acquis grâce aux emprunts réalisés au nom de sa société. En effet, l'entreprise, qui acquiert en empruntant, qui rembourse, qui entretient à ses frais les moyens de production, n'est propriétaire de rien car elle n'est pas sujet de droit quant à la propriété[3]. Grâce à cette « responsabilité limitée » et à la non-existence juridique de l'entreprise plusieurs procédés permettent aux actionnaires d'accroître les moyens de production qu'ils contrôlent en minimisant au maximum leur mise (le capital social)[4]: investissement par effet de leviers, achat à effet de levier, rachat d'actions. Il est donc très compréhensible que les actionnaires recourent à ces procédés plutôt que d’émettre des actions supplémentaires provoquant l'arrivée d'autres actionnaires avec qui certes les risques sont partagés mais également le pouvoir et la propriété. Si l'entreprise était, comme une association loi de 1901, sujet de droit, la « responsabilité limitée » serait remplacée par les « responsabilités et propriétés partagées » entre actionnaires et le collectif de travail de l'entreprise, chacun selon sa contribution. Les procédés « à effet de levier » et autres au profit de certains ne seraient plus et beaucoup d'autres s'en réjouiraient. PrincipeEn droit français, la SARL est discutée par deux séries de textes : les articles L223-1 à L223-43 du code de commerce qui traitent de sa constitution et de son fonctionnement, et les articles L241-1 à L241-9 du même code qui sont des dispositions pénales établissant la liste des infractions concernant cette forme sociétaire. La différence réside aussi en son mode de gestion qui est de loin plus simple que celui d'une société anonyme (SA)[5]. En effet, une SARL est gérée par un gérant, qui est tenu de rendre des comptes au moins une fois par an à une assemblée générale des associés. Par contre, une SA est gérée par un directeur général (ou directoire) qui rend des comptes au conseil d'administration (ou au conseil de surveillance), et les membres de ce dernier rendent à leur tour des comptes à l'assemblée générale des actionnaires[6]. Depuis la loi du , la SARL connaît deux variantes : la SARL pluripersonnelle (au moins deux associés) et l'EURL (un seul associé). La société d’exercice, contrairement à ce qu'indique son nom, n'est pas une SARL mais une société d'exercice libéral (SEL). Il existe aujourd'hui près de 2 million de SARL en France[7]. En 2022, il s'est créé près de 80 000 SARL en France[8]. La SARL est adaptée pour les petites et moyennes entreprises. La SARL peut se décliner sous diverses formes complémentaires, selon l'activité exercée et les associés concernés, ce qui peut apporter divers avantages au point de vue de la fiscalité (entre autres) : la SARL à capital variable, la SARL de presse, ou encore la SARL de famille. Dans la SARL pluri-personnelle, le nombre d'associés minimum est de deux ; par disposition du code de commerce, il ne peut dépasser 100. Une SARL constituée par un seul associé est dite uni-personnelle. Caractéristiques juridiquesCapitalLe montant du capital de la société est librement fixé par les statuts (article L223-2 du code de commerce) ; à l'origine le capital minimum était de 20 000 francs (loi du ). Au , ce capital minimum a été porté à 50 000 francs (Loi no 84-148 du ), puis au passage à l’euro à 7 500 euros, aujourd'hui le capital minimum d'une SARL est fixé librement lors de la constitution de l'entreprise. Suppression d’un capital minimum : la loi pour l'initiative économique du [9] a supprimé l'obligation du capital minimum qui était de 7 500 euros ; il est donc légal d'ouvrir une société avec un capital d'un euro. Toutefois le capital social est un gage de confiance vis-à-vis des banques et organismes prêteurs ou des créanciers. Il est également un indice pour les partenaires, car on aura plus tendance à faire affaire avec une société qui a un capital important, car en cas de problèmes, les associés sont tenus des pertes à hauteur de leur apport dans le capital. Toutefois, la santé de la société n’est qu’imparfaitement rendue par le capital social et il vaut mieux prendre connaissance de ses comptes et bilans. Le capital est divisé en parts sociales et sa répartition est mentionnée dans les statuts. Cela permet notamment d’organiser la répartition des pouvoirs au sein des sociétés (associés majoritaires et minoritaires, important dans le vote des décisions). Les parts sociales doivent être souscrites en totalité par les associés. Elles doivent être intégralement libérées lorsqu'elles représentent des apports en nature. Les apports en numéraire doivent être libérés d'au moins un cinquième de leur montant au moment de la constitution. La libération du surplus intervient en une ou plusieurs fois sur décision du gérant, dans un délai qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés. Toutefois, le capital social doit être intégralement libéré avant toute souscription de nouvelles parts sociales à libérer en numéraire d'au moins un quart de leur montant (loi 2012-387 du 22-3-2012), sous peine de nullité de l'opération. Les apports en nature (biens, stocks, créances, etc) doivent être effectués immédiatement. Les apports en industrie sont désormais autorisés (compétence particulière, « tour de main », expertise), mais ils n'entrent pas dans le montant du capital social de constitution. Ils permettent toutefois d'acquérir la qualité d'associé et de participer au partage du bénéfice. Le cas échéant, les statuts déterminent les modalités selon lesquelles peuvent être souscrites des parts sociales en industrie. Associés (personnes physiques ou morales)
Leur responsabilité est limitée à leurs apports. Les décisions collectives[10]
Pour les SARL constituées avant le 4 août 2005
Pour les SARL constituées après le 4 août 2005
Une clause statutaire prévoyant des conditions différentes est valide. Autres règlesDécision prise à l'unanimité pour :
Double majorité en nombre et en capital pour :
Moitié des parts sociales pour :
Constitution d'une SARLStatuts
Le capital est formé d'apports :
Le capital est représenté par des parts sociales :
Condition de forme et de publicité
Ils doivent être ratifiés, écrits (sous seing privé ou par acte authentique) et être signés par tous les associés. Outre les mentions communes à toute société, on doit y inclure pour la SARL l'évaluation des apports en nature, le choix des gérants et la répartition des pouvoirs, la transmission des parts, les modes de consultation des associés et les modes de répartition des bénéfices. En annexe, on ajoute le rapport du commissaire aux apports et l'état des actes accomplis pour le compte de la société en formation.
Les personnes agissant pour le compte de la société sont responsables solidairement et indéfiniment des conséquences de leurs actes à moins que la société, après avoir été constituée et immatriculée, ne reprenne leurs engagements à son compte. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société. Il existe deux procédés de reprise automatique : les actes annexés aux statuts et les actes prévus par les statuts.
Nomination des dirigeantsLes dirigeants de SARL sont appelés « gérants ». Toute SARL a au moins un gérant. Le ou les gérants sont nommés par les statuts (on parle alors de gérants statutaires) ou par décision des associés représentant plus de la moitié du capital (sauf majorité plus forte prévue par les statuts). La gérance d'une SARL ne peut être exercée que par des personnes physiques disposant de leurs droits civils (une personne morale ne peut donc être gérant de SARL)[11]. Les associés d'une SARLLes associés d'une SARL (entre 2 et 100) n'ont pas la qualité de commerçant et peuvent exercer au sein de la société une activité rémunérée. Comme pour toute forme juridique, l'associé a des droits et obligations. Augmentation, réduction, transformation, dissolutionL'augmentation de capitalDans la loi du , il existe peu de dispositions particulières concernant l'augmentation de capital des SARL. En conséquence, il convient de s'inspirer des dispositions applicables pour les SA.
L'augmentation de capital sera décidée par l'assemblée générale extraordinaire puisque modification des statuts avec une majorité de 3/4 des parts sociales. Si les statuts l'ont prévu, la décision peut être prise par consultation écrite. À la première consultation, l'assemblée doit décider des modalités les plus importantes (montant, nombre de parts, montant de la prime…). Le gérant s'occupe des souscriptions et des libérations de fonds puisque la libération intégrale est exigée de suite. La seconde consultation entérine l'augmentation de capital et modifie les statuts. Si l'augmentation n'est pas réalisée dans les six mois du premier dépôt des fonds, les apporteurs peuvent demander le remboursement de leurs dépôts. En cas de souscription par un tiers, un agrément est nécessaire. Pour les époux communs en biens, il est nécessaire d'avertir le conjoint sous peine de nullité de l'apport. En cas d'apport en numéraire par des associés personnes physiques, un crédit d'impôt sur le revenu est accordé. Il s'élève à 25 % de la somme apportée. Il convient de conserver les titres pendant cinq ans. En ce qui concerne la publicité :
L'apport de biens en nature doit résulter d'un contrat écrit. La procédure est voisine de celle qui existe au niveau de la constitution : on évalue les apports (fonds de commerce, droit au bail, bail commercial) dans un rapport annexe aux statuts sous la responsabilité d'un commissaire aux apports. Le contrat d'apport doit être agréé par les associés. Concernant la publicité, idem que pour l'augmentation par apports en numéraire mais dépôt en plus du rapport du commissaire des apports au greffe du tribunal de commerce.
Soit par apport en nature, soit par voie de compensation. Les créances compensées doivent être certaines et exigibles. De plus cette possibilité doit être prévue par l'assemblée extraordinaire qui décide de l'augmentation.
La décision de procéder à une telle augmentation de capital est valablement prise par les associés représentant la moitié au moins des parts sociales et non pas 3/4. Les formalités sont identiques à celles d'une augmentation par apports en numéraire. La réduction et la perte de capitalLa loi du a abrogé l'exigence selon laquelle, sauf transformation de la SARL en une société d'une autre forme, la réduction du capital social au-dessous du minimum légal ne peut être décidée que sous la condition suspensive d'une augmentation de capital destinée à le ramener au moins à ce niveau. Il faut se référer aux règles relatives à la réduction du capital social des sociétés anonymes :
La transformationSi la société se transforme en société en nom collectif ou en société civile, cela exige l'accord unanime des associés. Si la société se transforme en SA, il y a des conditions. Une délibération des associés représentant au moins les 3/4 des parts sociales est nécessaire. Les bilans des deux derniers exercices doivent être approuvés par les associés. Est exigé un rapport d'un commissaire sur la situation de la société. En outre, le gérant va demander au président du Tribunal de commerce de désigner un commissaire à la transformation (qui peut être le commissaire aux comptes). Ce commissaire apprécie la valeur des biens composant l'actif et les avantages particuliers au profit des associés ou des tiers. Il présente un rapport dans lequel il atteste que le montant des capitaux propres est au moins égal au capital social. Dans la pratique, il peut être chargé de l'établissement du rapport sur la situation de la société. La SARL qui se transforme en SA doit suivre les règles particulières à la SA c'est-à-dire 7 associés au moins, le capital, la nomination d'un commissaire aux comptes, la modification des statuts, la transformation des parts sociales en actions et le respect des formalités de publicité. La dissolutionCauses communes à toutes les sociétés : Arrivée du terme, extinction de l'objet, liquidation judiciaire, annulation du contrat de société, décision des associés. Autres causes : La société est automatiquement dissoute au bout d'un an si le nombre des associés excède 100, si le capital propre est inférieur au minimum légal, ou bien en cas de perte de la moitié du capital. La SARL n'est pas dissoute par le décès d'un associé (ou par son incapacité, sa faillite personnelle, etc.). Régime fiscalLa SARL est en principe soumise à l'impôt sur les sociétés (IS). La SARL peut toutefois opter pour l'impôt sur le revenu (IR) dans deux cas :
Si la société est à l'IR, seuls les associés sont imposés et non la société elle-même (c'est ce que l'on appelle la transparence fiscale) : chaque associé doit déclarer une fraction du bénéfice proportionnelle à sa participation au capital dans sa déclaration des revenus ; il en est ainsi même si la société ne procède pas à la distribution de ce bénéfice : par contre, il n'y aura pas lieu à nouvelle taxation le jour où la société procèdera à une distribution. La SARL est soumise à la TVA dès lors qu'elle a une véritable activité économique (ceci exclut les holdings exclusivement financières). Sécurité socialeDeux régimes de sécurité sociale peuvent s'appliquer au gérant de SARL :
S'il y a plusieurs gérants, on additionne les parts détenues par tous les gérants pour déterminer le caractère majoritaire ou non de la gérance (un gérant détenant moins de la moitié des titres est donc au RSI s'il est membre d'une gérance collectivement majoritaire). Il est à noter que le gérant minoritaire ou égalitaire rémunéré ne bénéficie que de la sécurité sociale des salariés : il n'est pas un salarié au regard du droit du travail et ne peut donc bénéficier ni des dispositions des conventions collectives ni de droits au chômage. Il est possible de cumuler la fonction de gérant minoritaire avec la qualité de salarié. Le gérant doit pour cela remplir les conditions suivantes :
Le gérant majoritaire ne peut pas cumuler un contrat de travail avec sa fonction de gérant dans la même société (en un tel cas, il n'y a pas de lien de subordination). Notes et référencesNotes
Références
AnnexesArticles connexes |