Le mot régicide désigne à la fois l'assassinat d'un monarque et l'auteur de cet acte. La victime peut être un roi, comme le suggère l'étymologie du mot (du latin rex, regis « roi » et occidere « occire »), mais aussi un empereur ou tout autre prince régnant.
L'exécution d'une sentence de mort prononcée par une institution judiciaire ou politique à l'encontre d'un souverain, comme Louis XVI en France ou Charles Ier en Angleterre, est également considérée comme un régicide.
En revanche, ce terme ne s'applique pas aux homicides accidentels dont la victime est un monarque, dont un exemple célèbre est celui d'Henri II, mort à la suite d'un tournoi, ni dans le cas où le monarque meurt lors d'une bataille (Richard III d'Angleterre).
Le terme de régicide n'est bien entendu pas utilisé pour qualifier l'assassinat d'un chef d'État non monarchique, tels qu'un président de la République (Sadi Carnot en 1894).
La notion de régicide a suscité une littérature théorique, notamment autour de la question de l'assassinat d'un « tyran » (tyrannicide). Thomas d'Aquin, suivant sur ce point Aristote, considère que l'assassinat d'un tyran peut être licite dans certaines circonstances. Mais à l'Époque moderne, notamment durant les guerres de Religion, les membres d'un parti s'estiment en droit de tuer le monarque, dès lors qu'il se conduit, selon eux, comme un tyran.
Régicides notoires
Angleterre : Charles Ier (1649)
Au terme de son procès, le roi d'Angleterre Charles Ier est jugé coupable de haute trahison le et condamné à mort. Son acte d'exécution porte la signature de cinquante-neuf commissaires. Le roi est décapité trois jours plus tard, le , et la monarchie abolie une semaine après. Après la Restauration, en 1660, plusieurs commissaires sont à leur tour exécutés pour régicide, tandis que certains morts avant cette date, notamment Oliver Cromwell, sont l'objet d'une exécution posthume. D'autres régicides finissent leurs jours en prison ou en exil.
France
Dans la France de l'Ancien Régime, le régicide, même une simple tentative, est puni par le supplice de l'écartèlement. Cependant, au XVIIIe siècle, la peine est ramenée à celle qui frappe les parricides : la main droite coupée en signe d'expiation suivie de la décapitation[réf. nécessaire]. Cette peine accessoire (la main coupée), destinée à renforcer l'horreur du crime par celle du châtiment[pas clair], est abolie sous le règne de Louis-Philippe (1830-1848).
Deux rois sont victimes d'un régicide classique : Henri III et Henri IV. Un troisième, Louis XVI, est victime, comme Charles d'Angleterre, d'un processus révolutionnaire et condamné par la majorité des membres d'une assemblée érigée en tribunal d'exception, la Convention nationale (qui n'a jugé que Louis XVI, renommé « Louis Capet »).
Sur son lit de mort, Henri III reconnaît au contraire le protestant Henri de Navarre comme son successeur légitime, malgré sa religion. Il veut en effet que ses fidèles se rallient au nouveau roi, Henri IV. Celui-ci se convertira d'ailleurs au catholicisme en 1593, afin de pouvoir être sacré roi de France (dans la cathédrale de Chartres). Les derniers rebelles ne se rendront qu'en 1598.
Henri IV, roi de France et de Navarre, successeur d'Henri III, est assassiné par François Ravaillac dans une rue de Paris le .
Ravaillac est écartelé en place de Grève le suivant, au terme d'un long supplice. Ce second régicide consécutif contribue au renforcement de la monarchie absolue en France, les décisions et la personne du roi devenant intouchables.
Dans le cas de Louis XVI, « régicide » désigne l'exécution de la peine de mort prononcée par la Convention nationale à l'encontre de l'ancien roi à la suite de son procès, ainsi que les Conventionnels qui ont voté la mort. Il est à noter qu'au moment de son exécution, Louis XVI, ancien roi de France et de Navarre suspendu de ses fonctions de chef d'État à partir du 10 août 1792, est déchu de son titre de roi des Français depuis l'abolition de la monarchie le suivant. Ce terme de régicide est surtout employé au moment de la Restauration par les royalistes. Les « conventionnels régicides » qui, en 1815, pendant les Cent Jours ont signé l'acte additionnel aux constitutions de l'Empire ou accepté l'attribution par Napoléon Ier d'une fonction (c'est-à-dire 84 % d'entre eux) ont fait, en , l'objet d'une loi d'indignité et de bannissement[1]. Toutefois, le , le futur Louis XVIII, alors comte de Provence, à l'annonce de la mort de Louis XVII au Temple, envoie de Vérone un manifeste dans lequel il prévoit en cas de retour au pouvoir le rétablissement des anciennes institutions politiques et religieuses, ainsi que la « punition des régicides »[2],[3].
L’idée de régicide a été au centre d’un nombre abondant de réflexions sociologiques, politiques, philosophiques : on peut ainsi songer à Kant (le corps infigurable du roi)[4] ou Freud (la mise à mort de l’origine « patriarcale »)[5]. En France, après la mort de Louis XVI, des philosophes contre-révolutionnaires comme Joseph de Maistre (la catastrophe), Louis de Bonald (la folle accusation de régicide contre le jésuites) ou Pierre-Simon Ballanche (dialectique de la déchéance et de la réhabilitation) ont réfléchi à la signification du régicide[6].
Notes et références
↑Côme Simien, La Convention interminable : les régicides au tribunal du passé (1815-1830), vol. 381, coll. « Annales Historiques de la Révolution française », , p. 189-211
↑Albert Soboul, La Révolution française, vol. 2, t. 2, Gallimard, , p. 182
↑François Furet et Denis Richet, La Révolution française, Paris, Fayard, , p. 308
↑Jacob Rogozinski, « Un crime inexpiable (Kant et le régicide) », Rue Descartes, no 4, Le théologico-politique, avril 1992, p. 99-120.
↑Elisabeth Roudinesco, « Freud et le régicide : éléments d’une réflexion », Revue germanique internationale, 14, 2000, p. 113-126.
↑Mona Ozouf, « Ballanche. L’idée et l’image du régicide », Le Débat, vol. 39, no. 2, 1986, p. 67-80.
Nicolas Le Roux, Un régicide au nom de Dieu : l'assassinat d'Henri III : 1er août 1589, Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », , 451 p. (ISBN978-2-07-073529-7, BNF40940145, présentation en ligne).
Roland Mousnier, L'assassinat d'Henri IV : , Paris, Gallimard, coll. « Trente journées qui ont fait la France » (no 13), , VI-412 p. (présentation en ligne).
Réédition : Roland Mousnier (préf. Arlette Jouanna), L'assassinat d'Henri IV : , Paris, Gallimard, coll. « Les journées qui ont fait la France », , XIII-375 p. (ISBN978-2-07-012315-5, BNF41374972).
Isabelle Pébay-Clottes (dir.), Claude Menges-Mironneau (dir.), Paul Mironneau (dir.) et Philippe Chareyre (dir.), Régicides en France et en Europe (XVIe-XIXe siècles), Genève, Droz, coll. « Cahiers d'humanisme et renaissance » (no 139), , 570 p. (ISBN978-2-6000-4728-9, présentation en ligne).
(en) Steve Poole, The politics of regicide in England, 1760–1850 : Troublesome subjects, Manchester, Manchester University Press, (1re éd. 2000), 240 p. (ISBN978-0-7190-8746-2, DOI10.7765/9781526130617).
Emmanuel Régis, Les Régicides dans l'histoire et dans le présent. Étude médico-psychologique, .
Raoul de Tayrac, Le Régicide, étude de psychologie et de sociologie criminelle, , p. 221.
Michael Walzer (trad. de l'anglais par J. Debouzy et A. Kupiec), Régicide et Révolution : le procès de Louis XVI (Suivi de) Discours au procès de Louis XVI / réunis et annotés par A. Kupiec. (Et) Régicide et Terreur ? Controverse F. Fehér-M. Walzer [« Regicide and Revolution : Speeches at the Trial of Louis XVI »], Paris, Payot, coll. « Critique de la politique », , 402 p. (ISBN2-228-88176-7).