Karl BöhmKarl Böhm
Karl Böhm vers 1950.
Répertoire Karl August Leopold Böhm (prononcer « Beume ») est un chef d'orchestre autrichien, né le à Graz et mort le à Salzbourg. BiographieFormationNé d'un père juriste, frustré par une carrière de baryton ratée, Karl Böhm est obligé de se destiner à apprendre le droit à Graz. Néanmoins, dès le collège, entre les cours, il se cache dans les coulisses de l'opéra pour écouter les répétitions[1] et étudie la musique et le piano, au Conservatoire de musique de Graz, puis à Vienne, où il travaille avec Guido Adler et Eusebius Mandyczevski[2] un ami de Brahms, entre 1913 et 1914. Pendant la guerre Böhm est blessé et se trouve affecté au poste de co-répétiteur (Korrepetitor) au théâtre de Graz[3] et décide de devenir chef d'orchestre, sans jamais prendre une seule leçon de direction[1]. Nommé ensuite chef de chant (Kapellmeister), il dirige son premier opéra en 1917, un ouvrage de Victor Nessler, puis Le Vaisseau fantôme et le théâtre lui confie de plus en plus d'ouvrages[1]. Il obtient son doctorat en droit en 1919, ce qui lui vaut d'être appelé « Herr Doktor » par les musiciens[4]. Il est nommé second chef la même année et directeur en 1920. En 1921, alors qu'il a monté déjà des ouvrages de Verdi et Puccini, le grand Karl Muck, qui a dirigé trente ans à Bayreuth, l'entend dans Lohengrin et lui propose de lui transmettre tout ce qu'il sait de Wagner. Carrière à l'opéraIl est engagé, en cette même année 1921, par Bruno Walter à l’opéra d’État de Bavière[2] comme chef de troupe et quatrième chef. Pendant six années, il est responsable notamment de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, Gianni Schicchi de Giacomo Puccini, Petrouchka d'Igor Stravinski, L'Heure espagnole de Maurice Ravel ; Knappertsbusch n'hésite pas à lui laisser la direction de Tristan et même le Ring, de Richard Wagner ; cependant que s'affirment ses prédilections pour Wagner et Mozart, il se sent vite à l'étroit à ce poste[1]. Il le fait savoir, ce qui lui permet de répondre à d'autres propositions au poste de directeur à Darmstadt[2] (1927) où il peut programmer selon ses vœux. Malgré les moyens réduits du théâtre, outre Simon Boccanegra de Giuseppe Verdi, Parsifal de Wagner, Salomé de Richard Strauss et Boris Godounov de Modeste Moussorgski, ouvrant le théâtre au répertoire contemporain, il monte en première à Hambourg, la Judith d'Arthur Honegger, Jonny spielt auf d'Ernst Krenek, Sly de Wolf-Ferrari, Neues von Tage de Paul Hindemith et, en 1931, le Wozzeck d'Alban Berg sous la supervision du compositeur[5]. En 1927, il épouse une cantatrice Thea Linhard (de). C'est ensuite Hambourg[2] qui le demande (1931), en succession du tchèque Egon Pollak, parti à Chicago. Il est nommé professeur, outre son poste de directeur de l'Opéra[3] (General Music Director). Il rencontre Richard Strauss, début d'une collaboration artistique et d'une amitié qui se concrétise par la dédicace à Böhm de La Femme silencieuse (1935) et Daphné (1938). Il dirige pour la première fois à Vienne en 1933 le Tristan à l'opéra et dirige également le Philharmonique (1936), orchestre dont il reste proche toute sa vie, s'efforçant de maintenir la tradition viennoise[6]. Il a donné plus de 450 concerts et 550 opéras avec cette phalange[3],[7] et quelque quarante tournées[8]. Gerhart Hauptmann, prix Nobel de littérature, habitué de Bayreuth et ami de Nikisch, voit en lui l'interprète le plus fidèle de l'œuvre de Wagner[9].
Après la prise du pouvoir par les nazis, Karl Böhm, qui croit à la nouvelle Allemagne[10], « sans rien encourager, accepta tout[1] », jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il en conservera ensuite le remords[10]. Il n’a cependant jamais été membre du Parti nazi[11],[12]. Böhm résume sa position :
On note cependant certaines prises de positions lorsqu'il joue Mathis le peintre en [13], malgré l'interdit[1]. À Dresde toujours, la liste des créations qu'il donne du répertoire symphonique non allemand avec la Staatskapelle (« Orchestre d'État » de Dresde), étonne : Hugo Alfvén, Henk Badings, Zoltan Kodaly, Leevi Madetoja, Francesco Malipiero, Serge Prokofiev, Miklós Rózsa, Albert Roussel, Joaquin Turina[13]. En 1943, pour un an, il devient directeur musical de l’opéra d'État de Vienne[2], mettant l'accent sur les opéras de Verdi ; maison dont il sera de nouveau le maître pour deux saisons au début des années 1950. En 1944, il participe aux cérémonies du 80e anniversaire de Strauss. Seconde carrièreAprès la guerre et une période de trois années de mise à l'index, Böhm revient à Vienne dans Fidelio en 1947 et se distingue particulièrement comme chef d’orchestre à la tête de l’Orchestre philharmonique de Vienne et durant le Festival de Salzbourg. Dernier chef de sa génération à survivre, alors que disparaît en dix ans toute une génération de chefs d'orchestre : Busch, Kleiber, Krauss, Rosbaud, van Kempen, Furtwängler, Abendroth, Toscanini et Walter[14]. Böhm pendant trente ans encore va accompagner l'évolution et tutoyer ses cadets, sans jamais dévier des principes qui ont guidé son parcours depuis Graz[14]. En 1948, il dirige Don Giovanni à La Scala, puis à Paris avec le Philharmonique de Vienne en 1949. Pour la saison 1950/53, il est invité au Teatro Colón de Buenos Aires et à Paris en 1952. Il monte Jenufa, Œdipus Rex et Wozzeck[15]. En 1950 et 1956, il donne le Ring à Covent Garden à Londres[16]. À Vienne, il redonne Fidelio en 1955, lorsqu'il est nommé à la tête du Staatsoper pour l'inauguration de l’édifice reconstruit, mais démissionne bientôt lorsqu'il est critiqué pour ses absences[17]. Dès lors, il concentre son activité dans le triangle Vienne, Berlin, Salzbourg, en alternance avec les voyages de plus en plus nombreux. En 1956, il est invité par Fritz Reiner aux États-Unis. S'ensuivent nombre d'invitations au Metropolitan Opera de New York[1], notamment avec Don Giovanni en 1957[14],[18]. Il est connu et apprécié pour ses interprétations des symphonies de Mozart, Beethoven et Brahms. Ses lectures des symphonies de Schubert et d’Anton Bruckner font figure de référence. Il défendit les partitions originales de Bruckner dès qu'elles furent éditées. L'enregistrement de la Quatrième Symphonie en , avec l'Orchestre philharmonique de Vienne, chez Decca, fit l'objet des meilleures critiques. Deryck Cooke la salua par ces mots dans Gramophone :
Pourtant Karl Böhm n'a enregistré que les 3e, 4e, 5e, 7e et 8e symphonies, seules la quatrième la septième et la huitième ayant bénéficié d'un second enregistrement. Bien que wagnérien, Böhm débarrasse Bruckner des scories dont l'affublent d'autres chefs. Karl Böhm s’est également illustré dans la direction d’opéra, de Wolfgang Amadeus Mozart à Richard Strauss, en passant par Richard Wagner, dont il a ardemment défendu l’œuvre scénique, en particulier à Bayreuth à partir de 1962 (Tristan), Ring (1965-67, enregistré pour Philips) et chaque année jusqu'en 1970[19]. Dans Mozart, son style se résume en : clarté, transparence, précision, délicatesse sans emphase et avancé énergique taillé dans une pâte épaisse aux cordes[1]. Jugement que l'on peut transposer également pour ses Bruckner. On doit rappeler qu'il vint à Orange dans le cadre des Chorégies. C'est sous sa direction que fut joué, le , Tristan und Isolde de Richard Wagner, avec la soprano Birgit Nilson[20] et le ténor Jon Vickers, qu'il avait précédemment enregistré à Bayreuth en 1966 (avec Nilson et Windgassen)[3]. En tant qu'accompagnateur, Böhm a dirigé les plus grands instrumentistes du temps : Elly Ney, Wilhelm Backhaus, Christian Ferras, Maurizio Pollini. Si certains ont souligné la précision rythmique de la direction de Karl Böhm (« Avec lui, on percevait toujours la valeur des notes », a dit de lui Christa Ludwig), d'autres ont pu contester une battue jugée excessivement « métronomique ». Alors que Marcel Prawy du Staatsoper de Vienne résume d'un trait[21] :
Âgé de quatre-vingt-six ans, il se produit pour la dernière fois en public dans Les Noces de Figaro de Mozart, le , enregistre un Elektra filmé par Götz Friedrich, avant de s'éteindre à Salzbourg lors d'une répétition de l'œuvre de Strauss[3]. FamilleIl est le père de l'acteur Karlheinz Böhm, connu notamment pour son rôle principal dans Le Voyeur (Peeping Tom) de Michael Powell (1960), mais surtout pour avoir joué dans les années 1950 le rôle de l'empereur François-Joseph dans la série des films Sissi avec Romy Schneider. Il est le grand-père de la comédienne Katharina Böhm. Créations
HonneursBöhm a reçu plusieurs distinctions en Autriche, en Allemagne et en France.
Discographie sélectiveIl laisse une grande quantité d'enregistrements commencés dès 1930, à la tête des plus grands orchestres européens, parmi lesquels l'Orchestre philharmonique de Vienne et Dresde. Les labels DG et Decca se sont partagé les enregistrements officiels, et Orfeo, Audite et Testament font paraître des bandes radio enregistrées à Salzbourg, Berlin et Munich. Les archives ont été publiées par notamment Tahra et le label Membran. Enregistrements historiques
Autres enregistrements
DVD
Publications
Notes et références
Voir aussiBibliographie
Filmographie
Liens externes
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