La ville de Bricquebec se situe au centre de la péninsule du Cotentin, à environ 20 km au sud de la côte nord, 15 km de la côte ouest et 25 km de la côte est de la presqu'île. Elle occupe le fond d'une cuvette naturelle de quelques kilomètres de diamètre, dont les pentes sont visibles par exemple au travers de la côte de Cattigny qui mène au nord vers Cherbourg via Quettetot. La rivière l'Aizy, affluent de la Scye, traverse la ville du nord vers le sud.
Les principaux axes routiers relient Bricquebec à Cherbourg au nord, Saint-Sauveur-le-Vicomte au sud D 900, Valognes à l'est et Barneville-Carteret au sud-ouest (D 902). Cette situation de nœud routier a probablement joué un rôle dans le développement de la bourgade, qui aujourd'hui s'étire schématiquement sur 3 km le long des routes de Valognes, Barneville-Carteret et de l'axe secondaire qui mène vers Surtainville à l'ouest. La possibilité de surveiller les collines environnantes depuis l'emplacement qui au Moyen Âge sera occupé par le château fut sans doute aussi un élément déterminant.
Toponymie
Le nom de la localité est attesté sous les formes Bricrebec en 1050-1066, Brichebec en 1180, Brikebec, Brichebec au XIIe siècle[2].
Il s'agit d'un composé toponymique avec deux appellatifs : le second élément -bec représente manifestement l'ancien normand bec « ruisseau » issu du norroisbekkr « cours d'eau »[2].
Le premier élément Bricque- est plus difficilement identifiable : peut-être faut-il y voir le vieux norrois brekka « pente »[2], mais dans ce cas, il serait devenu Brecque- et il serait situé en seconde position, comme dans le microtoponyme Houllebrecque à Saint-Aubin-de-Crétot[3]. Reste le vieux norrois bryggja « pont » ou encore Briki, anthroponyme norrois déjà rencontré dans les Bricqueville[2], cependant le nom de personne Briki est hypothétique et devrait être noté *Briki. Les mêmes éléments se retrouvent aussi dans Bricquebosq (Brichebot v. 1100, Brickebo 1224), Bricquebost (avec, à côté, le hameau de Bricqueville), Briquedalle à Sassetot-le-Mauconduit, Briquemare à Cauville-sur-Mer et peut-être Briquetonne à Saint-Aubin-sur-Risle.
La présence éparse de fragments de tuiles et artefacts gallo-romains laisse néanmoins penser à une occupation rurale relativement dense[5][réf. incomplète].
Moyen Âge
La toponymie atteste l'importance de l'apport scandinave dans le développement régional, et en effet peu de vestiges significatifs témoignent de l'occupation du site avant la fin du Haut Moyen Âge.
La tradition attribue la fondation de la place forte et de la baronnie qui s'y installe, aux alentours de l'an mille, au normandAnslech, d'origine scandinave[Note 2], un personnage proche du duc de Normandie Guillaume Longue Épée (c.927-942). Ses descendants prirent le nom de Bertrand, et ils possédèrent cette baronnie jusqu'au milieu du XIVe siècle[6]. L'édifice original devait revêtir l'aspect d'une motte féodale, forme primitive du château médiéval. Il est probable que cette construction ait eu pour objet d'affermir l'emprise ducale sur ces territoires occidentaux récemment conquis sur les Bretons.
En , le roi de France, Charles le Bel, concède des droits à Robert VIII Bertrand, bailli du Cotentin, sur la création de deux nouvelles foires annuelles : la Saint-Nicolas de mai à l'Étang-Bertrand, et la Sainte-Catherine à Bricquebec, en dédommagement de frais financiers à la suite d'une tournée des divers points du Cotentin, dans l'éventualité d'une attaque anglaise, qui durât quarante-sept jours[7].
En 1332, une charte donnée par Jean, duc de Normandie, fils aîné du roi de France et futur Jean le Bon, pour la forêt de Bricquebec, exempte les barons de Bricquebec du « tiers et danger » (droits à verser au roi sur les ventes de tout bois)[8]. Au milieu du XIVe siècle, la baronnie passa dans la famille de Paisnel, baron de Hambye, puis dans celle d'Estouteville. Lors de l'occupation anglaise, la baronnie fut la possession du comte de Suffolk, puis au sire Berty-Entwizle, et après la bataille de Formigny en 1450, elle revint aux d'Estouteville
En 2021, la commune comptait 4 121 habitants. Depuis 2004, les enquêtes de recensement dans les communes de moins de 10 000 habitants ont lieu tous les cinq ans (en 2006, 2011, 2016, etc. pour Bricquebec[15]) et les chiffres de population municipale légale des autres années sont des estimations[Note 3].
Château de Bricquebec des Xe – XIVe siècles. Le Vieux château des Bertran classé aux monuments historiques[18], fondé au XIIe siècle, est l'un des mieux préservés de la région, avec ses remparts, ses tours (XIVe siècle et son donjon polygonal. La Tour de l'Horloge abrite un petit musée régional (meubles, médailles, minerais)[19]. Le château de Bricquebec est dominé par l'imposante silhouette du donjon. Ses 22 mètres de haut viennent s'ajouter aux 18 mètres de la motte sur laquelle il est assis. Il est séparé du châtelet d'entrée, appelé tour de l'Horloge dominée de son clocheton, par une forte courtine. Le chartrier[Note 4], enserré dans le rempart, renfermait quelque 8 482 pièces d'archives[8].
Château des Galleries du XVIe siècle. Ancienne propriété des d'Estouteville et actuelle propriété de la famille de Trémiolles, il est inscrit aux monuments historiques[20].
Château Saint-Blaise et jardin d'hiver du XVIIIe siècle[21]. Le château est bâti dans le 4e quart du XVIIIe siècle par René de Traynel, né en 1759, fils de Charles-Auguste Traisnel (1723-1780)[22], avec l'aide de la dot de 100 000 livres de son épouse Marie Fouques de Teufles[23], au centre d'un parc de 18 hectares. À noter également les communs qui méritent d'être vu. Dans la seconde moitié du XIXe siècle on lui adjoint un pavillon et on construit un haras dans les dépendances. À l'intérieur, en réemploi dans une salle du rez-de-chaussée, une cheminée du XVIIe provenant du château de Sotteville amenée ici par Marcel Grillard au début du XXe siècle[24]. Le jardin d'hiver est édifié dans la seconde moitié du XIXe siècle. Le château fait l'objet d'un recensement à l'inventaire général des monuments historiques[25].
Manoir du Quesnay du XVIIe siècle. En 1646, la terre du Quesnay est la possession de maître Jacques Cheron[26]. Elle est ensuite entre les mains de Jacques Le Poitevin du chef de sa femme, Anne Cheron. Se succèdent, Charles-Auguste Le Poitevin, né à Bricquebec le , écuyer, qualifié de sieur du Quesnay, puis de son frère utérin Adrien-François Pinel († 1761), écuyer, patron et seigneur de Golleville. Son fils, Jean-Charles-Adrien Pinel (1756-1833) vend le Quesnay le à maîtres Magloire Née et Pierre-François Née[27], qu'ils revendent par acte du , pour 35 250 livres, à René-Louis Traynel, écuyer, sieur de Saint-Blaise, seigneur et patron de Bolleville, résidant en son château des Vallées à Bricquebec (actuel château Saint-Blaise). Le domaine passe à son fils Jules de Traynel (1784-1833), maire de Bricquebec, puis par partage du au fils de ce dernier Henri de Traynel (1831-1893), qui le vend le à M. Auguste Sébire. Sans postérité, ce sont ses neveux qui hérite du domaine. Le château sera vendu aux enchères le à M. Auguste Travers, dont les descendants y résident encore [28].
Manoir de la Ramée du XVIe siècle. Le manoir est décrit dans l'acte de vente du entre Olive Le Roux et Georges Le Roux ainsi : « un corps de logis construit de « villes pierres » (grès armoricain) et couvert d'ardoise et d'une autre maison à usage de grange. ». La ferme actuelle est construite par Georges Le Roux. Antoine Le Sage, sieur du Longval, devenu propriétaire de la Ramée en 1748 en modifie les dispositions intérieures, et le manoir est profondément remanié par François Vattier qui en fait l'acquisition le [29].
Manoir de la Tourelle du XVIe siècle.
Manoir des Petits Prés du début du XVIe siècle). En 1508, Guillaume Le Verrier en fait aveu à Guyon d'Estouteville, baron de Moyon, Bricquebec et Gacé[30]. Le , Guillaume Le Verrier fait aveu pour sa terre des Petits Prés au baron de Bricquebec[31]. François Le Verrier, la vend le à Jean-Pierre Loir, chevalier, seigneur du Lude, baron de Néhou, habitant à Saint-Sauveur-le-Vicomte, contre la somme de 10 000livres de principal et 500 litres de vin[32]. Daniel-Raoul Loir la revend le à maîtres Jean Deschateaux et Joseph Deschateaux, frères, pour le prix de 12 000 livres[33].
Le Piqueret de la fin du XVIe siècle. La terre du Piqueret est dans la dernière partie du XVIe siècle la possession de Philippe Coller, sieur de Sainte-Barbe, et passe à sa fille, Annette Coller, puis au fils cadet de cette dernière, Philippe Pinel, sieur du Danois et Darnetal[34]. Vincent Pinel, sieur d'Éroudeville, au profit de François-Alexandre Guillebert, résident à Vasteville. En 1775, y habitait Jean Le Laidier et sa famille[35].
Hôtel de ville des XIXe – XXe siècles.
Patrimoine religieux
Abbaye cistercienne Notre-Dame-de-Grâce du XIXe siècle, dite La Trappe[36]. Elle fut fondé par Bon Onfroy (1777-1857, né à Réville, curé de Digosville, qui fonda en 1824 un prieuré qui deviendra en 1836 l'abbaye Notre-Dame-de-Grâce, et dont il sera le premier abbé sous le nom de Dom Augustin[36].
Vestiges de l'ancienne église paroissiale Notre-Dame des XIIe – XVIe siècles détruite en 1897. Il n'en subsiste que trois arcades à chapiteauxromans[Note 5] à la sortie de la ville en direction de Saint-Sauveur-le-Vicomte qui marque son emplacement, et son portail roman qui a été remonté dans la rue de la République (rue principale), près de la poste[37].
Farid Abdelouahab (dir.) (préf. Jack Lang), Regards objectifs : Mieusement et Lesueur photographes à Blois, Paris, Somogy, , 183 p. (ISBN2-85056-436-2), p. 59.
Daniel Delattre et Emmanuel Delattre, La Manche les 602 communes, Grandvilliers, Éditions Delattre, , 280 p. (ISBN978-2-9159-0709-4), p. 39-40.
René Gautier et al. (préf. Jean-François Le Grand, postface Danièle Polvé-Montmasson), 601 communes et lieux de vie de la Manche : Le dictionnaire incontournable de notre patrimoine, Bayeux, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits & Introuvables », , 704 p. (ISBN978-2-35458-036-0), p. 115.
↑Asleikr ; cf. Anlec, patronyme encore attesté à Hémevez en 1420 et dans tous les Anneville de Normandie.
↑Dans le tableau des recensements et le graphique, par convention dans Wikipédia, le principe a été retenu, pour les populations légales postérieures à 1999 de n’afficher dans le tableau des recensements et le graphique que les populations correspondant à l'année 2006, première population légale publiée calculée conformément aux concepts définis dans le décret no 2003-485 du 5 juin 2003, et les années correspondant à une enquête exhaustive de recensement pour les communes de moins de 10 000 habitants, ainsi que la dernière population légale publiée par l’Insee.
↑Maylis Baylé, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a démontré l'existence au cours de la première moitié du XIIe siècle « d'un atelier de sculpteurs, sans doute liés à un atelier de maçons itinérants cheminant de chantiers en chantiers pendant une trentaine d'années entre Tollevast, Réville, Martinvast, Bricquebec, Portbail, Barneville… ».
↑ abc et dFrançois de Beaurepaire (préf. Yves Nédélec), Les Noms des communes et anciennes paroisses de la Manche, Paris, A. et J. Picard, , 253 p. (ISBN2-7084-0299-4, OCLC15314425), p. 87-88.
↑(en) Eilert Ekwall(en), The Concise Oxford Dictionary of English Place-names, Oxford, Oxford University Press, , 4e éd..
↑André Davy, Les barons du Cotentin, Condé-sur-Noireau, Éditions Eurocibles, coll. « Inédits et introuvables du patrimoine Normand », , 319 p. (ISBN978-2-91454-196-1), p. 8.
↑Consulter l'inventaire archéologique de la Manche, disponible par exemple à la bibliothèque municipale de Valognes.
↑ a et bJack Lepetit-Vattier, « La baronnie de Bricquebec - L'emprise d'un grand domaine seigneurial », Vieilles maisons françaises (vmf), patrimoine en mouvement, no 232, , p. 23-24 (ISSN0049-6316).
↑Maurice Lecœur (ill. Michel Lemonnier, photogr. Norbert Girard), Trésors du Cotentin : Architecture civile & art religieux, Mayenne, Isoète, , 296 p., 25 × 29 cm, couverture couleur, cartonné (ISBN978-2-913920-38-5), p. 19.
↑Jean-François Miniac, Les Nouvelles Affaires criminelles de la Manche, De Borée, Paris, avril 2012.
↑Jacques Blin, étude sur les maires des communes du canton de Bricquebec à partir des registres d'état civil
↑Michel Pinel (photogr. Patrick Courault), Châteaux et Manoirs de la Manche, t. 5, Rivages de France, coll. « Lumières et histoire », , 256 p. (ISBN978-2-9561209-6-4), p. 22.
↑Jack Lepetit-Vattier, Demeures de Bricquebec et de ses environs, Saint-Lô, Société d'Archéologie et d'Histoire de la Manche, coll. « Études et documents », , 306 p. (ISBN2-914329-03-2), p. 23.