Championnat de France de football 1932-1933Championnat de France de football 1932-1933
Le championnat de France de football 1932-1933 est la première édition du championnat de France de football professionnel. L'Olympique lillois remporte la compétition après une victoire en finale sur l'AS Cannes au Stade olympique Yves-du-Manoir de Colombes. Les deux clubs avaient auparavant chacun remporté leur groupe composé de dix concurrents. Conformément au règlement initial, le format évolue dès la saison suivante : une deuxième division, nommée « Division interrégionale », est créée. La première division, ou « Division nationale », voit son nombre de participants réduit de vingt à quatorze, rassemblés dans un groupe unique. HistoriqueContexteLa tenue du premier championnat de France de football en 1932 s'appuie sur deux grandes nouveautés dans le pays : l'organisation d'un championnat d'envergure nationale d'une part, et la professionnalisation des clubs et des joueurs d'autre part. En France, depuis la fin de la Première Guerre mondiale en 1918, les championnats de football sont organisés par les Ligues régionales. Au nombre d'une quinzaine, chaque Ligue organise annuellement un championnat appelé Division d'Honneur, consacrant un champion régional jusqu'en 1932[1]. Il n'y a donc pas de championnat national, alors que de nombreux pays européens en organise depuis au moins 1905, à l'exemple de l'Angleterre, de l'Italie ou de la Suisse notamment[note 1]. Le football, bien qu'il ait commencé à se professionnaliser dès 1885 en Angleterre, est encore régi sous statut amateur en France dans les années 1920. La loi empêchant les clubs de rémunérer ses joueurs, les dirigeants des clubs français doivent alors trouver des solutions pour faire venir les meilleurs joueurs dans leur équipe. La plupart contournent la loi en pratiquant l'amateurisme marron, qui consiste à rémunérer indirectement les joueurs, en leur offrant par exemple la gestion d'un commerce ou un emploi dans une entreprise locale. La volonté de mettre fin aux pratiques de l'amateurisme marron, en convergence avec les conceptions économiques de la majorité des dirigeants du football français, mène vers la fin des années 1920 à l'idée d'une création d'un championnat national professionnel. Afin de mettre en place les statuts des joueurs et des clubs professionnels, des commissions fédérales sont organisées entre janvier 1929 et janvier 1932[s 2]. Elles regroupent des membres de la Fédération française de football, dont le président Jules Rimet, l'un des artisans de la création d'un championnat de France professionnel, et le secrétaire général Henri Delaunay, des représentants des grands clubs et des Ligues, comme Georges Bayrou (FC Sète), Henri Jooris (Ligue du Nord et Olympique lillois) ou encore Henri Jevain (Ligue de Paris), mais aussi de journalistes, à l'image de l’ancien international Gabriel Hanot et d'Emmanuel Gambardella[s 2]. Après de nombreuses discussions, l’institution du professionnalisme est massivement votée au Conseil national du 17 janvier 1931 par 128 voix contre 20, dont treize de la Ligue de Paris, plus une abstention par Jules Rimet[s 3]. Le statut des clubs autorisés à utiliser des joueurs professionnels est défini un an plus tard par la fédération, les 16 et 17 janvier 1932, celle-ci se réservant de plus le droit d'autoriser ou non les clubs à adhérer au « Groupement de Club Autorisés » (GCA), et donc à participer au premier championnat de France[s 4]. InscriptionsLes dossiers sont à envoyer avant le 15 mars 1932. L'ambitieux Olympique d'Antibes est le premier club à répondre à l'appel, dès le 25 janvier[2]. Dans un premier temps, vingt-quatre clubs font une demande d'autorisation à utiliser des joueurs professionnels. Les résultats tombent en avril. Dix-sept de ces clubs sont acceptés : l'Olympique Alès, l'Amiens AC, l'Olympique d'Antibes, l'AS Cannes, le Hyères FC, l'Olympique lillois, l'Olympique de Marseille, le CA Messin (qui prend le nom de Football Club de Metz à la suite de son admission), le SO Montpellier, le FC Mulhouse, l'OGC Nice, le SC Nîmes, le Club français, l'Excelsior AC Roubaix, le RC Roubaix, le FC Sète et le FC Sochaux, auxquels s'ajoutent trois autres clubs franciliens, sous réserve de s'affilier à la FFFA : le Red Star Olympique, le RC Paris et le CA Paris. Trois clubs sont refusés : le Club Deportivo Espagnol Bordeaux, le SC Bastidienne et l'Union sportive du Vésinet. Le cas du dernier club, le Sporting Club de Saint-Étienne, reste en suspens. En mai et en juin, les trois clubs parisiens s'affilient à la fédération, tandis que deux nouveaux candidats se signalent, le Stade rennais UC, dont la candidature est acceptée, et le FC Grasse, refusé en compagnie du SC Saint-Étienne, portant à vingt-et-un les clubs devant participer au championnat[2],[3]. La journée du 27 juin amène des changements importants. Des tensions entre le GCA et la Ligue du Nord, dirigée par le président de l'Olympique lillois Henri Jooris, poussent trois des quatre clubs de la Ligue, l'Amiens AC, le RC Roubaix et l'Olympique lillois à démissionner du GCA. Le jour même, les dix-huit clubs restant sont répartis en deux groupes de neuf par la Commission du professionnalisme, le calendrier étant validé le 11 juillet. Jooris, également président de l'Olympique lillois, finit par réintégrer son club. Devant la démission des Lillois, le président du club de la banlieue lilloise du SC Fives, Louis Henno, décide de faire adhérer son club au professionnalisme. Sa demande est acceptée le 22 juillet[4]. Plusieurs joueurs de l'Olympique lillois quittent alors le club pour leurs voisins fivois. Pour pallier ces départs, l'Olympique lillois revient sur sa décision et demande son affiliation à la FFFA. Bien que la demande est hors délai, la fédération l'accepte le 1er août, portant à vingt les clubs amenés à disputer le premier championnat de France professionnel de l'histoire du football français[4],[2]. OrganisationLe championnat, pour la seule et unique fois dans l'histoire du championnat de France, est organisé en deux groupes dont les vainqueurs s'affrontent ensuite en finale sur un seul match au stade olympique Yves-du-Manoir de Colombes. Chaque équipe rencontre deux fois chacune des autres équipes de son groupe, une fois à domicile et une fois à l'extérieur. Deux points sont attribués pour une victoire, un point pour un match nul et aucun pour une défaite. En cas d'égalité de points, les équipes sont départagées à la moyenne de buts. Il est prévu que les trois dernières équipes de chaque groupe soient reléguées en fin de saison dans une deuxième division qui serait créée la saison suivante, afin de réduire le nombre de clubs engagés en première division à 14. ParticipantsGroupe A
Groupe BRésuméLe coup d’envoi du championnat est donné le 11 septembre. D’entrée, plusieurs surprises sont à signaler, au premier chef le succès du CA Paris à Sochaux. L'AS Cannes, dernier vainqueur de la Coupe de France, est tenu en échec à domicile par le Fives. Le revers à domicile de l'Olympique lillois face à l’Olympique de Marseille laissait augurer une saison difficile pour les Dogues. Il n’en fut rien. Résultats détaillés de la première journée,
L’OM peut toutefois se vanter d’avoir battu deux fois le futur champion de France. Le 11 décembre 1932, à l’occasion de la manche retour, les Marseillais s’imposent à l’Huveaune au terme d’un « match scandaleux ». L’OM mène en effet rapidement 2-0 quand la partie dégénère. Expulsion de plusieurs joueurs, puis refus des Lillois de poursuivre le match, qui s’achève finalement sur le score de 7-0. Le Marseillais Jean Boyer fut l’un des rares joueurs marseillais solidaires des Lillois. Ce dernier eu en effet l’occasion d’inscrire au moins quatre nouveaux buts, mais il s’y refusa… Il se contenta ensuite de jouer normalement dans ses 50 mètres, sans franchir la ligne médiane. Le match scandaleux de Marseille est vite éclipsé par un nouveau scandale : l'Olympique d'Antibes aurait tenté d’acheter le match décisif face au SC Fives (victoire 5-0). Le club de la Côte d’Azur est déclassé et n’est pas autorisé à disputer la finale du championnat face à Lille. Le dauphin d’Antibes, l’AS Cannes, joue la finale le 14 mai à Paris devant 16 000 spectateurs. Sur un terrain rendu très gras par la pluie, Cannes et Lille se livrent à une course-poursuite finalement remportée 4-3 par les nordistes. Winckelmans inscrit le but décisif. Classements et résultatsLe championnat est divisé en deux groupes de dix équipes se rencontrant en matchs aller-retour. En cas d'égalité entre deux clubs, le premier critère de départage est la moyenne de buts. Les deux vainqueurs de groupe se rencontrent lors d'une finale pour désigner le club champion de France. La finale est remportée après prolongation par l'Olympique lillois face à l'AS Cannes. Cannes termine deuxième de son groupe mais participe tout de même à la finale à la suite du déclassement de l'Olympique d'Antibes. Groupe AClassement
C : Vainqueur de la Coupe de France 1932-33 Évolution du classement
Résultats
Groupe BClassement
L'Olympique d'Antibes est déclassé juste avant la finale. L'AS Cannes joue la finale contre l'Olympique lillois.
Évolution du classement
Résultats
Finale
Champions de FranceL'effectif de l'Olympique lillois est composé des joueurs suivants[17] :
L'entraîneur est le Belge Robert De Veen. Promotions et relégationsConformément au règlement initial, à l’issue de la saison, les trois derniers de chaque groupe, soit six clubs, sont relégués dans la Deuxième division qui prend forme. Cinq de ses six clubs, en premier lieu les clubs parisiens du Red Star Football Club et du CA Paris, ne voulant pas devoir participer à un championnat au rabais, poussent au statu quo et annoncent se retirer du professionnalisme s'ils sont relégués. L'inflexibilité de la fédération et le succès de la deuxième campagne d'inscriptions, avec l'arrivée de 17 nouveaux clubs professionnels, les font finalement changer d'avis. Il n'y a pas de promotion pour la saison à venir. Les sept premiers de chaque groupe confirment leur inscription, et se trouvent réunis pour la saison 1933-1934 dans une poule unique de première division, nommée « Division nationale ». StatistiquesMeilleurs buteursDeux joueurs finissent meilleur buteur du championnat avec quinze buts : l'international français du Club français Robert Mercier et l'Allemand Walter Kaiser du Stade rennais UC. Le SC Fives, meilleure attaque du groupe B, place trois de ses joueurs dans les dix meilleurs buteurs : Robert Saint-Pé, André Cheuva et Ernest Libérati[18].
Viennent ensuite Andrew Wilson (SC Nîmes) et Willy Delesse (RC Paris) (10 buts), William Barrett (O. Lillois), Marcel Kauffmann (Mulhouse), Yvan Beck (Sète) (9 buts), Jean Laurent (Club français), Alfred Leonard Caiels (Marseille), Albert Polge (SC Nîmes), Marcel Galey, Émile Veinante (RC Paris) (8 buts), Georges Winckelmans (O. Lillois), Ernesto Tomasi (Nice), Émile Chalvidan (SC Nîmes) (7 buts)[19]. Aspects socio-économiquesL'épreuve est sponsorisée par le quotidien généraliste parisien Le Petit Parisien. La presse généraliste parisienne et provinciale assure une bonne couverture de cette saison inaugurale. Quelques rares matches sont diffusés à la radio, telle la finale du 14 mai 1933. Radio Paris, Le Poste Parisien et Radio PTT assurent la couverture du match en direct[20]. SupportersCertains déplacements de supporters sont enregistrés. Citons pour l'exemple les 200 supporters du SC Nîmes qui font le déplacement à Paris le 2 octobre 1932 pour assister au match face au Club français[21]. Lors de cette rencontre, couplée avec un RC Paris-Excelsior Roubaix au Stade Jean-Bouin, 500 personnes entrent en force dans le stade sans payer[22]. La resquille, généralement moins violente, est un problème récurrent et nombre de clubs se plaignent de cette situation. Pas ou très peu de forces de sécurité afin de sécuriser les abords des stades sauf à quelques rares occasions comme le fameux mach international France-Autriche du 12 février 1933 où la Garde républicaine est à l'œuvre devant le Parc des Princes[23]. La saison est marquée par quelques incidents en tribune. Parmi les plus graves, citons ici les matches Nice-Club français du 6 novembre 1932 avec insultes racistes pour le joueur noir Embarek et jet de pierre sur Boros[24] et Hyères-Mulhouse du 15 janvier 1933 avec violences du public au stade et devant l'hôtel des visiteurs[25]. En fin de saison, le public de l'Excelsior de Roubaix est désigné meilleur public de France par l'Amicale des Joueurs de Football. Deux joueurs de chaque club de D1 ont été consultés[26]. AnnexesNotes
RéférencesLa professionnalisation du football français Autres
Bibliographie
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