Conservatisme socialLe conservatisme social, également appelé conservatisme sociétal, est une branche du conservatisme axée sur la défense de ce qui est perçu comme étant la « moralité traditionnelle » ou les « bonnes mœurs ». Cette idéologie relativement jeune émerge comme une forme distincte de conservatisme au cours des années 1960 en réponse aux transformations sociales initiées par la révolution sexuelle, le mouvement féministe et le mouvement pour les droits LGBTQI+[1]. Bien que les revendications du conservatisme social ne lui soient pas exclusives, comme on les retrouve dans le conservatisme plus large, ce qui distingue cette idéologie est le fait qu’elle s'appuie davantage sur la pensée religieuse plutôt que politique pour faire avancer ses causes[2]. Aux États-Unis, le conservatisme social a pris beaucoup d'ampleur pendant les années 1980 durant la présidence de Ronald Reagan. Cette période a été particulièrement marquée par des campagnes moralisatrices telles que Mothers Against Drunk Driving (MADD) et le mouvement anti-avortement qui, en sus de leurs enjeux respectifs, dénonçaient ce qu'elles percevaient comme étant les excès de la tradition libérale[3]. Du côté du Canada, les principales revendications des conservateurs sociaux dans les années 1980 concernaient le mouvement anti-avortement avant de se tourner vers les droits des personnes homosexuelles la décennie suivante[4]. Cependant, il n'y a pas de politiques ou de positions qui définissent de façon universelle tous les conservateurs sociaux. DéfinitionDe manière générale, il existe un large consensus selon lequel le conservatisme social est une idéologie qui se définit par l'adhésion à des attitudes traditionnelles et moralistes en ce qui concerne les droits reproductifs, l'orientation sexuelle et la sexualité en général[5] ainsi qu'à la protection de l'unité familiale[6]. Les conservateurs sociaux préconisent également une philosophie qui diffère de celle des conservateurs traditionnels et fiscaux en ce qui concerne le rôle de l'État. D'abord, le conservatisme social considère que l'État et ses institutions peuvent et doivent être utilisés pour défendre ses positions de fond par rapport à l'avortement, l'homosexualité, l'aide médicale à mourir et le « féminisme radical »[6]. De plus, étant donné qu’une grande partie de l'impulsion derrière le mouvement est ancrée dans les croyances religieuses, notamment l'évangélisme, le fondamentalisme et le catholicisme[7], les conservateurs sociaux sont souvent en faveur de l'application directe des enseignements religieux au domaine de la politique[6]. Ainsi, le conservatisme social fait donc appel à une certaine « régulation étatique de la moralité »[5]. En revanche, la politisation des mœurs et des valeurs religieuses n'est pas un principe que défendent les conservateurs traditionnels et fiscaux[7],[1]. Selon le politologue canadien Jim Farney, le conservatisme social fait au moins une de deux affirmations philosophiques. La première est que les forces morales que l'on retrouve ancrées dans des institutions comme la famille traditionnelle sont nécessaires pour assurer la santé des démocraties libérales et du système économique capitaliste[1]. La deuxième affirmation est que le conservatisme social, en s'inspirant du mouvement féministe, accepte l'idée selon laquelle « le privé est désormais politique » et que la promotion et la défense des valeurs traditionnelles doivent s'effectuer à travers les moyens politiques que l'État permet[4],[8],[7]. De la même manière que les mouvements progressistes et contrairement aux autres branches du conservatisme, les conservateurs sociaux ont fait de l'action politique sur les enjeux sociaux l'une de leurs priorités[8]. Les prises de position du conservatisme social ne se limitent pas toutefois à la défense d'enjeux moraux tels que l'avortement, l'homosexualité et l'unité familiale. Notamment, certaines recherches ont identifié une dimension punitive en vertu de laquelle les adhérents à cette branche du conservatisme vont avoir tendance à appuyer des mesures comme la peine de mort (mais pas nécessairement) ainsi que des peines de prison plus sévères[9]. L'importance qui est accordée aux enseignements du fondamentalisme religieux et à l'autorité biblique est l'un des principaux facteurs à l'origine de cette dimension punitive[9]. L'ethnocentrisme est une autre dimension importante du conservatisme social et est représenté à travers des mesures visant à limiter l'immigration et le refus du multiculturalisme[9]. D'autres recherches plus récentes identifient également le patriotisme, le militarisme et la sécurité nationale comme des valeurs que défendent les conservateurs sociaux[10]. Dans la même veine, le droit à la possession d'armes à feu est souvent évoqué comme un enjeu que défendent les conservateurs sociaux[11]. Les conservateurs sociaux sont généralement hostiles à la libéralisation du cannabis et favorables à l'interdiction de l'accès à la pornographie pour les mineurs. Enfin, ils sont généralement favorables à une régulation de la prostitution. Il faut toutefois noter qu'il n'existe pas une définition universelle du conservatisme social. Cette branche de l'idéologie conservatrice se manifeste sous différentes formes en fonction de l'époque et du lieu dans laquelle elle évolue. Des conservateurs sociaux peuvent être par exemple très favorables à l'éducation des filles. Tout comme le conservatisme et le libéralisme, les échelles mesurant les attitudes du conservatisme social sont un produit de leur époque[9],[12]. Ainsi, la notion de temps souligne le besoin de mettre à jour les principes qui sont attribués au conservatisme social, puisque ceux-ci sont voués à changer au fil du temps. Finalement, le conservatisme social doit prendre en compte les spécificités (culturelles, politiques, institutionnelles) des différents pays et territoires dans lequel celui-ci se trouve. Par exemple, les spécificités du contexte canadien vont faire en sorte que le pays va adopter une version du conservatisme social qui est différente de celle que l'on observe aux États-Unis[13]. PrincipesIl y a quatre principes fondamentaux qui caractérisent la pensée des conservateurs sociaux :
Le conservatisme social tend ainsi à s'opposer notamment au mariage homosexuel, à l'homoparentalité, au concubinage ou encore au partenariat civil y compris hétérosexuels, au divorce, voire à la contraception, etc. Cette opposition varie selon les époques et les endroits.
En relation avec le premier principe, le conservatisme social est donc généralement plus ou moins hostile à l'IVG (on parle de positionnement « pro-vie »), à l'IMG, à l'euthanasie ou au suicide assisté, à la PMA ou GPA...
La religion joue un rôle important dans la construction du conservatisme social. D'abord, les individus qui ont des croyances religieuses sont plus susceptibles d'adhérer aux valeurs véhiculées par le conservatisme social[14],[15]. Ensuite, en plus de ses origines religieuses, le conservatisme social est en faveur d'une certaine application des enseignements religieux à la politique[1]. Finalement, les conservateurs sociaux évoquent fréquemment la liberté de religion pour défendre leurs causes, notamment en ce qui concerne l'opposition au mariage entre personnes de même sexe. Dans ce contexte, l'argument de la liberté de religion sert à défendre un « espace de conscience personnelle imperméable à l'intervention de l'État »[16].
Contrairement aux conservateurs fiscaux, les conservateurs sociaux sont particulièrement préoccupés par la violation des conventions morales auxquelles ils adhèrent. Ainsi, les défendeurs de cette idéologie ont tendance à appuyer l'imposition de mesures punitives ou agressives à l'endroit des contrevenants[17]. Cette tendance peut s'exprimer par l'imposition de peines de prison plus sévères, voire au recours à la peine de mort en fonction des crimes commis[9]. Les conservateurs sociaux sont également plus susceptibles d'appuyer des actes d'agressions militaires afin de défendre leurs conventions morales[18]. La politique étrangère soutenue par certains conservateurs sociaux met l'accent sur le hard power, ou les forces armées, afin d'être en mesure d'agir contre les adversaires potentiels[19]. Plus généralement, la défense des conventions morales s'accompagne parfois d'une plus grande intolérance à l'endroit des individus ou groupes qui n'y adhèrent pas[20]. Conservatisme social dans différents paysCanadaAu Canada, le conservatisme social est historiquement incarné par des partis politiques de droite tels que le parti créditiste et le parti réformiste du Canada. De nos jours, il existe une faction du Parti conservateur du Canada qui penche vers le conservatisme social[21],[22]. Notes et références
Voir aussiBibliographie
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